Ryusho Jeffus

Pratiques paisibles - 2

11 février 2014

 


« Constamment le bodhisattva se plaira
à prêcher sereinement le Dharma :
sur un terrain pur
il installera son siège,
il enduira son corps d'huile
se lavera de toute saleté,
mettra des habits neufs et propres :
purifié à l'intérieur comme à l'extérieur,
il prendra commodément place sur le siège du Dharma
et prêchera selon les questions qu'on lui posera. »
(Sutra du Lotus, chapitre XIV)

La deuxième pratique paisible dont le Bouddha nous parle dans le Sutra du Lotus est celle de la bouche, ku anrakugyo. Dans les grandes lignes, il nous enseigne la façon de parler qui doit aller dans le sens d’une plus grande paix, non seulement en nous mais aussi chez nos auditeurs. En réfléchissant à la liste de conseils je me suis fait la réflexion qu’ils reprenaient dans l’Octuple noble chemin l’exhortation sur la parole juste, sauf que les pratiques paisibles précisent comment parler des autres pratiquants bouddhistes, de nos instructeurs et des sutras. Ces pratiques nous parlent, en fait, des relations entre bouddhistes. La partie versifiée dit que par tous les moyens nous devons chercher à apporter la paix à tous les êtres vivants, et que motivés par ce désir, nous devons leur exposer le Dharma. Les gens prennent souvent comme prétexte la rudesse des propos de Nichiren lorsqu’il parle des bouddhistes de son temps pour justifier leur propre comportement. Ils ne tiennent aucun compte des circonstances dans lesquelles devait parler Nichiren. La moindre des choses est de rappeler que lorsque Nichiren s’adressait directement à des personnes d’autres écoles il ne criait pas « Coupez-leur la tête ».

Apparemment, Nichiren réservait ses invectives aux fonctionnaires et aux politiciens qui soutenaient et privilégiaient certaines religions au détriment des autres ou alors contre les dirigeants religieux en connivence avec le gouvernement, cherchant à renforcer leur position dans la société.  Cela ne veut pas dire que lors de débats ou de discussions avec les adeptes d’autres religions il n’opposait pas de critiques sévères, mais à la lecture de ses lettres on voit bien qu’il ne s’est jamais montré impatient ou qu’il ait jamais manqué de compassion. Il faisait juste le maximum pour rejeter les arguments qu’on lui présentait et en souligner les failles. Comme j’ai un grand respect pour le bon sens de Nichiren et son utilisation habile de la plume et lors de débats, je pense qu’il a fait preuve d’une grande compassion en tentant soigneusement de conduire les hommes — qu’ils soient pratiquants ou maitres — à une compréhension différente du bouddhisme. Un grand nombre de personnes ont adhéré au Sutra du Lotus grâce à son immense compassion : des gens du peuple, des aristocrates, des chefs d’autres écoles et des fonctionnaires du gouvernement. Si Nichiren avait méprisé certaines classes, certaines professions ou certaines croyances, je ne pense pas que l’on pourrait trouver tant d’exemples de personnes différentes adhérer au Lotus.

Il m’est arrivé d’être témoin de tentatives d’imiter Nichiren en parlant d’autres écoles soit en s’adressant à des pratiquants d’autres courants nichiréniens soit d’autres formes de bouddhisme. Chaque fois j’ai eu des doutes que cela traduisait le cœur de Nichiren et n’était pas qu’une parodie formelle de ses paroles. Cela fait une sacrée différence ! Il est facile de reproduire les paroles de Nichiren, d’adopter son style tranchant, sévère et rigoureux. Mais ce sont alors des paroles sans compassion, qui reflètent un esprit étriqué qui est tout sauf porteur de paix. 

Je pense qu’il faut commencer par améliorer notre attitude intérieure et que c’est notre cœur qui doit guider nos paroles. Lorsque nous développons un cœur paisible, un cœur capable de mettre de côté nos préjugés personnels, notre arrogance et la nécessité d’être « politiquement correct », lorsque nous gardons la ferme conviction que celui qui parle est intrinsèquement bouddha, alors nous pouvons aborder cette personne comme le Bouddha l’enseigne. Il n’est pas nécessaire de parler avec rudesse lorsque notre vie n’est pas en danger, alors que c’était le cas pour Nichiren quand il employait les paroles les plus dures.  Il est facile de commencer tout de suite par des propos agressifs qui ne font que manifester notre ego, le besoin d’impressionner, de justifier notre comportement. C’est un signe de notre incapacité de prendre les choses sereinement et d’avoir une pratique pacifique.

J’ai eu l’occasion dernièrement de réfléchir pas mal aux diverses écoles du bouddhisme et tout particulièrement aux lignées nichiréniennes. Les gens se plaignent à moi regrettant les divisions entre les différents courants de Nichiren alors que nous devrions pouvoir pratiquer ensemble sans luttes de factions rivales. Je ne vais pas entrer dans le détail ici car j’aimerais consacrer à ce sujet un article spécial. En gros, je voudrais dire que je n’ai pas l’énergie nécessaire pour m’attaquer à ce problème et qu’au fond je suis convaincu que les différentes lignées ont leur raison d’être et sont même nécessaires.  Pour l’instant, je me contenterai de dire que les pratiques paisibles du chapitre XIV sont une excellente base pour commencer. Une fois qu’une base solide est établie dans le cœur de l’homme qui met en pratique ces quatre pratiques — dont celle de la parole — c’est à partir de cette base que découlera un seul désir, celui d’apporter la paix et les kudokus (bienfaits) aux autres. Je me tiens fermement à cette règle primordiale. La vérité du Sutra du Lotus se suffit à elle-même et j’y adhère intégralement.  Je me contente de faire le maximum pour vivre selon les enseignements du Bouddha et de donner de ma vie le meilleur exemple possible. Si je réussis en cela, je pense que j’aurai suivi le Bouddha et Nichiren. Je crois aussi que ce qui compte le plus pour moi, c’est de guider les autres vers les enseignements du Bouddha puis vers le Sutra du Lotus ; cela s’inscrit dans mes actions et ce qui est au plus profond de mon cœur. Je sais que si je parle durement c’est parce que je n’ai pas encore complètement intégré les enseignements bouddhiques. Je reconnais cela comme une faiblesse car les mots de colère entrainent des sentiments de colère qui ne demandent qu’à surgir. Il est préférable d’éviter le chemin qui peut causer un dommage à autrui tant que moi-même je n’ai pas perfectionné ma vie. Et donc je n’ai pas d’énergie à dépenser en rhétorique querelleuse contre les croyances et les pratiques d’autres courants. C’est mon choix de vie et j’encourage les autres à commencer par mettre de la joie en toutes choses ; la joie et la paix.

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